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« Je suis une femme totalement détruite », a déclaré Gisèle Pelicot devant la cour criminelle du Vaucluse, mercredi 23 octobre, dans le cadre d’un interrogatoire de « mi-parcours », expliquant vouloir médiatiser son affaire pour « qu’on change cette société ».
Cette dernière a refusé le huis clos pour le procès de son ex-mari, Dominique Pelicot, lequel la droguait pour la violer et la faire violer par des dizaines d’inconnus. Cinquante autres hommes, âgés de 36 à 74 ans, sont également jugés dans ce procès très médiatique qui a commencé au début de septembre et qui doit se tenir jusqu’en décembre.
« Je ne sais pas comment je vais me reconstruire, me relever de tout ça. Heureusement, je suis soutenue par un psychiatre, et il me faudra encore beaucoup d’années. A bientôt 72 ans, je ne sais pas si ma vie me suffira pour me relever », a ajouté Mme Pelicot, précisant avoir voulu lever le huis clos du procès afin « que toutes les femmes qui [sont] victimes de viol se disent : “Mme Pelicot l’a fait, on peut le faire”. » « Je ne veux plus qu’elles aient honte. La honte, ce n’est pas à nous de l’avoir, c’est à eux. (…) j’exprime surtout ma volonté et [ma] détermination pour qu’on change cette société », a-t-elle fait valoir.
Evoquant durant cet interrogatoire son ex-mari avec lequel elle dit avoir été « une femme heureuse et comblée » pendant « cinquante ans de vie commune », Gisèle Pelicot a dit « ne pas pouvoir le regarder ». Avant d’ajouter : « Je me suis préparée à ce procès, mais je n’ai toujours pas compris pourquoi. Je cherche à comprendre comment ce mari, qui était l’homme parfait, a pu en arriver là. Comment ma vie a pu basculer. » Puis, s’adressant à son époux : « Comment tu as pu laisser entrer chez nous ces individus alors que tu connaissais mon aversion pour l’échangisme. Pour moi, cette trahison-là, elle est incommensurable. »
« Personne n’a rien vu. Ma vie a basculé dans le néant, je ne comprends pas comment il a pu en arriver là. » « J’ai toujours essayé de te tirer vers le haut, toi tu as atteint les bas-fonds de l’âme humaine, mais malheureusement c’est toi qui as choisi », a-t-elle encore ajouté à l’adresse de Dominique Pelicot, 71 ans, lequel, dans le box des accusés, a baissé les yeux. Les six autres coaccusés, dont la cour étudie les cas cette semaine, sont eux aussi restés silencieux, entourés de leurs conseils.
Dominique Pelicot a reconnu avoir drogué son épouse de 2011 à 2020, à son insu, afin de la violer et de la faire violer par des dizaines d’hommes recrutés sur Internet. Les cinquante hommes jugés avec lui, la plupart pour viols aggravés, et qui risquent comme lui jusqu’à vingt ans de prison, affirment avoir cru participer au fantasme d’un couple échangiste ou ne pas s’être rendu compte de l’état d’inconscience de Gisèle Pelicot. Le verdict du procès, au retentissement international, est attendu vers le 20 décembre.
Cette prise de parole de Gisèle Pelicot est la seconde depuis le début du procès. A la mi-septembre, elle était sortie de sa réserve habituelle en exprimant son sentiment d’humiliation mais aussi de colère face aux insinuations de certains avocats sur ce qu’elle a subi, leur lançant : « Un viol est un viol ! ».
« Depuis que je suis arrivée dans cette salle d’audience, je me sens humiliée », avait-elle lâché en direction des cinquante et un hommes jugés, après la diffusion de vingt-sept clichés d’elle pris à son insu – une première depuis l’ouverture des audiences –, censés prouver, à la demande d’avocats de la défense, que leurs clients avaient pu être « trompés » par son époux, la prétendant consentante.
Comme presque tous les jours depuis l’ouverture du procès, Gisèle Pelicot est arrivée mercredi au palais de justice d’Avignon sous les applaudissements du public. La veille, elle avait également reçu un bouquet de fleurs lorsqu’elle avait quitté le tribunal, et avait remercié chaleureusement les personnes venues la soutenir.
De nombreuses manifestations en soutien à Gisèle Pelicot se sont tenues depuis le début du procès. En septembre, 10 000 personnes avaient notamment défilé dans les rues de France. Des dizaines de manifestations ont également eu lieu samedi 19 octobre devant les palais de justice de France pour « dénoncer la culture du viol », à l’appel de plusieurs collectifs féministes, en écho à ce procès ainsi qu’aux révélations sur l’abbé Pierre ou au viol suivi du meurtre de Philippine.
Le Monde avec AFP
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